The Darkest Place I've Ever Been
11 titres, 38:12
La contribution française à la musique heavy va bien au-delà de Gojira. Le monde devrait l’avoir compris maintenant. LANDMVRKS en est la preuve éclatante. Formé à Marseille en 2014, le quintet a gagné sa réputation grâce à des compétences indiscutables et une musique d’une variété rare. Après des albums devenus des classiques comme Hollow (2016) et Lost In The Waves (2021), The Darkest Place I’ve Ever Been, sorti le 25 avril 2025 via Arising Empire, représente la plus haute synthèse de l’expression du groupe. Et c’est un chef-d’œuvre.
L’enfer selon Dante, version metalcore
Onze titres, trente-huit minutes de descente cathartique dans l’abîme du malaise humain. The Darkest Place I’ve Ever Been est un album-concept qui explore la spirale descendante menant à notre moi intérieur, là où résident souvent les causes profondes de cette condition. La structure même de la tracklist évoque L’Enfer de Dante : la track titre pose une déclaration d’intentions claire, puis on traverse “Sulfur” pour rencontrer “The Great Unknown” avant de terminer par " Deep Inferno", “Requiem” et “Funeral”. Choix évocateur, narratif, brillant.
Florent Salfati, le caméléon vocal
Le travail de Florent Salfati sur cet album est probablement l’un de ses plus brillants. Ce type fait littéralement tout - du rap aux gutturaux - de manière terrifiante d’efficacité. Sur “Sulfur” et “Deep Inferno”, il déploie une amplitude impressionnante, des cris à gorge déployée aux éclats émotionnels rugueux. Ces performances vocales portent une grande partie de l’album, le sauvant de l’obscurité metalcore générique.
Il mélange également anglais et français avec brio pour obtenir cette caractéristique unique qui définit LANDMVRKS. " Blood Red" voit Salfati chanter de magnifiques passages déchirants, incluant des lignes dans sa langue natale, au milieu d’instrumentaux atmosphériques tourbillonnants. C’est un moment rare qui montre le côté plus doux du groupe au milieu d' un feu pur et une attitude sans compromis.
Les comparaisons avec feu Chester Bennington de Linkin Park ne sont pas usurpées. Sa voix de ténor pure ressort particulièrement dans les moments plus doux, et “The Great Unknown” sonne comme un hymne nu-metal straight-ahead qui aurait pu sortir des jours glorieux de Hybrid Theory - chant à la Bennington inclus, sans blague.
“La Valse Du Temps” : le sommet émotionnel
Si on devait pointer un seul titre qui résume le génie de LANDMVRKS, ce serait “La Valse Du Temps”. L’inclusion surprenante d’un piano capte immédiatement l’attention. Salfati chante de manière obsédante en français sur la mélodie du piano avant qu’une éruption d’instrumentaux ne submerge les sens, suivant ensuite de multiples directions, changeant tempo et rythme à plusieurs reprises.
Cette pièce de cinq minutes et demie se révèle comme un voyage cathartique pour Salfati, qui exploite sa créativité pour plonger dans les parties les plus sombres de son âme. Les paroles - “It’s holding me close, close to the ground / Deep in my chest, no tracks of sound / Bury me whole or drag me down / I’ll find my place eventually” et “It’s getting on my nerves / sometimes I cannot stand the light / The clock’s ticking, I keep losing track of time / I’ve always felt torn between the future and the past / but the present never quite felt right” - sont d’une vulnérabilité dévastatrice.
C’est là que littéralement toutes les compétences du groupe se mélangent dans un morceau anthémique mais féroce. Le moment définitif de l’album, celui qu’on repassera en boucle.
Les collaborations qui élèvent
“A Line In The Dust” featuring Mat Welsh de While She Sleeps (probablement numéro un dans beaucoup de rotations heavy récentes) illustre la capacité de LANDMVRKS à s’entourer stratégiquement. Le featuring enrichit sans éclipser, ajoutant une dimension supplémentaire à un titre déjà explosif. C’est du metalcore moderne qui flex ses muscles sans tomber dans le générique.
“Creature” et “Sombre 16” intègrent des éléments rap qui auraient pu sonner forcés - ils se révèlent au contraire naturellement incorporés dans les morceaux. C’est ici que LANDMVRKS se distingue : cette fusion hip-hop/metal qu’ils pratiquent depuis le début atteint une fluidité jamais égalée.
Une production impeccable
La qualité de production sur The Darkest Place I’ve Ever Been est de premier ordre. Chaque instrument respire, les détails musicaux se révèlent à chaque écoute répétée. Les breakdowns sonnent comme de bons breakdowns metalcore devraient sonner - lourds, percutants, cathartiques. Les moments mélodiques brillent sans être étouffés par la lourdeur.
Si les parties mélodiques sur Lost In The Waves sonnaient plus pop-oriented et fancy, ici nous avons des lignes plus solides et convaincantes. LANDMVRKS a mûri, resserré son approche, tout en gardant cette brightness qui les distingue dans la scène nu-metalcore. L’ambiance idéale pour cet album ? Chiller au skatepark avec les potes, le soleil tapant au-dessus. C’est toujours très lourd, mais ça parvient à coller à ce cadre aussi.
Le swagger français
LANDMVRKS possède un swagger unique grâce à la delivery rap de Flo, simplement infectieuse. Le groupe fait partie de cette sous-section du nu-metalcore qui aborde les mélodies avec plus de luminosité que d’autres groupes de la scène. Là où tant de formations modernes plongent dans le sombre et le désespéré, LANDMVRKS trouve cet équilibre entre heaviness et énergie positive contagieuse.
“Requiem” et “Funeral” clôturent l’album de manière puissante, offrant une résolution à cette descente aux enfers conceptuelle. “Funeral” en particulier - à peine trois minutes - fonctionne comme une épitaphe brutale mais nécessaire, un dernier souffle avant le silence.
Un album qui définit le genre
Ce n’est pas une exagération de dire que The Darkest Place I’ve Ever Been est un “genre defining record”. Cet album est sur le point d’établir le standard pour le metalcore à venir de la même manière qu’Architects l’a fait à son époque. Choisir LANDMVRKS plutôt que Bring Me The Horizon comme nouveaux héros du metalcore ne pose aucune hésitation.
Première entrée de nombreuses listes “meilleurs albums de 2025”, et c’est mérité. LANDMVRKS étaient meurtris pendant un moment, mais jamais brisés. Ils ont créé ce diamant à partir de la pression, tout en offrant une vision véritablement rafraîchissante et innovante d’un son saturé. Vous aviez perdu foi dans le metalcore ? Ce groupe pourrait bien vous y faire croire à nouveau.
Les limites du confort metalcore
Soyons honnêtes : certains passages plongent dans le son metalcore moderne générique. Si vous appréciez “A Line In The Dust”, notez que Guilt Trip fait ce style mieux. Sur les étirements plus mélancoliques, des groupes comme Spiritbox offrent une approche plus raffinée et captivante. The Darkest Place I’ve Ever Been est une solide entrée dans la vague actuelle du metalcore moderne, mais c’est aussi une qui se perd parfois dans le shuffle.
Mais ces moments plus faibles sont largement compensés par les sommets atteints ailleurs. Et contrairement aux sorties récentes lackluster d’Architects et Void of Vision qui ont mis le metalcore moderne sous surveillance, LANDMVRKS prouve que le genre a encore son mot à dire.
Verdict : La révolution française du metal continue
La scène metal française connaît une révolution. Gojira, ten56., Resolve, Novelists, Rise of the Northstar - autant de contributeurs clés à ce succès continu. Mais personne n’y contribue plus que LANDMVRKS de Marseille.
Peut-être est-il temps pour les Français de réclamer la Statue de la Liberté aux Américains. Si c’était le cas, elle devrait définitivement être redessinée pour lever ses cornes de metal haut dans le ciel en honneur de cet album impressionnant. Le metalcore français conquiert le monde, et LANDMVRKS est à l’avant-garde de ce mouvement.
The Darkest Place I’ve Ever Been confirme que LANDMVRKS est capable d’adapter et d’évoluer leur musique depuis 2016 pour devenir les titans de la scène qu’ils deviennent rapidement. C’est l’une de leurs sorties les plus fortes à ce jour, un album qui grandit à chaque écoute, révélant de nouvelles couches et subtilités.