Bloom
11 titres, 42:09
Les sœurs Lovell reviennent avec Bloom, un album qui cristallise dix ans d’évolution artistique en treize morceaux de blues-rock contemporain. Fini le temps où Rebecca et Megan jouaient les curiosités folk : elles assument désormais leur statut d’héritières légitimes de la tradition américaine, slide guitar en bandoulière et amplis Marshall à fond.
L’art de la synthèse sudiste
Bloom s’ouvre sur “Mockingbird”, déflagration sonore qui pose immédiatement les termes : riffs country-vibe accompagnés de guitares blues rock traditionnelles. La production de Tyler Bryant (qui co-signe également plusieurs compositions) donne à l’ensemble une ampleur que n’avaient jamais atteinte leurs précédents opus. L’ajout d’orgue Hammond (Michael Webb), de cordes (Elenor Denig) et d’une section rythmique solide transforme le duo en véritable orchestre roots.
Rebecca Lovell, désormais pleinement assumée au chant principal, déploie une tessiture qui oscille entre la sensualité de Bonnie Raitt et l’urgence de Grace Potter. Megan, elle, fait de sa lap steel l’arme secrète de l’album entier, sculptant des atmosphères tantôt nostalgiques, tantôt incandescentes.
Le milieu triomphal
Si l’album démarre correctement avec ses trois premiers titres sans surprise, c’est au cœur du disque qu’explose son potentiel. “Bluephoria” s’ouvre sur un riff headbanger avec une structure call-and-response typiquement seventies. Cette pièce maîtresse révèle la nouvelle dimension du groupe : plus lourde, plus assumée, plus dangereuse.
“If God Is a Woman” se révèle encore plus saisissant - lourd, menaçant et sexy à la fois, presque heavy metal, utilisant les motifs religieux pour donner une dimension grandiose au désir. Ce morceau résume à lui seul l’ambition de Larkin Poe en 2025 : transcender le folklore pour toucher à l’universel.
Une géographie sonore authentique
Bloom s’inscrit dans la lignée directe du Mississippi hill country blues, ces paysages sonores luxuriants qui ancrent l’auditeur dans les questionnements contemporains à travers les sons blues-soaked du delta. Les sœurs Lovell maîtrisent parfaitement cette géographie : elles n’imitent pas, elles héritent.
La diversité stylistique du disque - du pop-rock pétillant d’“Easy Love Pt. 1” aux atmosphères plus sombres de " Pearls" - témoigne d’une maturité artistique enfin aboutie. L’album se déploie comme un voyage où les sœurs Lovell découvrent leur vrai moi, et cette quête d’authenticité irrigue chaque composition.
Les limites de l’exercice
Le défaut principal de Bloom réside paradoxalement dans sa force : deux titres du milieu d’album surpassent largement les premier et dernier tiers. Cette inégalité de traitement nuit à la cohérence d’ensemble, même si elle produit des pics d’intensité saisissants.
L’album souffre également d’un certain conformisme dans ses arrangements. Si la qualité d’exécution est irréprochable, on aurait aimé plus d’audaces, plus d’expérimentations. Les sœurs Lovell maîtrisent parfaitement leurs codes - peut-être trop parfaitement.
Verdict : L’accomplissement sans la révolution
Bloom sonne comme l’aboutissement logique d’un parcours artistique cohérent. Le rock and roll coule dans les veines des sœurs, et cet album le prouve avec une évidence désarmante. Sans révolutionner le genre, Larkin Poe livre ici son disque le plus accompli, une parade triomphale célébrant tout ce qu’elles ont appris en chemin.
Les puristes regretteront peut-être l’innocence de leurs débuts acoustiques, mais cette maturité électrique était inévitable. Larkin Poe rejoint enfin le panthéon du blues-rock contemporain - sans faire de bruit, avec l’évidence de l' évolution naturelle.
Un disque de confirmation plutôt que de révélation, mais parfois, c’est exactement ce dont on a besoin.