Thanks for the Noise

MADAM

12 titres, 35:32


“Notre musique on la fait avec nos putains de tripes.” Cette phrase, MADAM l’a posée comme manifeste sur leur Bandcamp. C’est exactement ce que délivre Thanks for the Noise : 35 minutes de rock alternatif viscéral, sans filtre, sans compromis. Le genre d’album qui laisse des traces de sueur sur la platine.

La genèse du bruit

Au départ il n’y avait rien. Trois musiciennes qui ne se connaissaient pas, se sont enfermées dans des studios pour monter un groupe et écrire leurs premiers morceaux ensemble. Anaïs Belmonte (batterie), Marine Masachs (basse), Gabbie Burns (guitare/chant) - ce power trio 100% féminin toulousain a construit sa légende à coups de concerts donnés “aussi vite qu’elles ont pu”, parce que la scène, c’est leur royaume.

En 2018, leur premier EP leur vaut déjà d’être diffusé sur des radios anglaises avec “The Ride” et de remporter le Prix Nouvelles Scènes Music Machines dans le cadre des INROCK LABS. En 2019, elles partagent l’affiche avec No One Is Innocent, Lofofora, Tagada Jones, et assurent une prestation remarquée aux Transmusicales de Rennes. Puis le silence. La pandémie. Le temps nécessaire pour préparer la suite.

Thanks for the Noise, sorti le 12 avril 2024, c’est précisément ça : la célébration du retour du bruit après des mois de silence.

L’héritage garage-punk assumé

MADAM puise son inspiration dans le répertoire de formations telles que les White Stripes, Franz Ferdinand, mais aussi Nirvana ou encore les Beatles. On pourrait ajouter Dead Weather, Rage Against The Machine pour l’intensité brute. Mais réduire MADAM à ses influences serait une erreur - ce trio incarne un condensé de rage, de folie et d’énergie à travers un rock alternatif authentique.

“Elles ont cet amour du bruit, livrant un rock tendu, sans fioritures, efficace coûte que coûte”, résume parfaitement Djubaka de France Inter. C’est exactement ce que propose cet album : douze titres qui vont droit au but, sans se perdre en détours inutiles. Pas de graisse, que du muscle.

Une énergie live capturée sur disque

Le défi de tout groupe forgé sur scène : comment transférer cette énergie brute sur un album studio ? MADAM y parvient magistralement. Chaque morceau sonne comme s’il était joué devant un Metronum complet (comme ce fut le cas lors de leur release party en mai 2024). La production n’aseptise rien - elle capture l’urgence, la transpiration, cette envie de " recommencer" dont elles parlent.

Gabbie Burns manie sa guitare comme une arme, alternant riffs tranchants et nappes saturées. Marine Masachs à la basse dessine les fondations avec une précision chirurgicale, tandis qu’Anaïs Belmonte derrière ses fûts maintient une tension permanente, prête à exploser à tout moment. Le tout forme un bloc compact, un mur de son qui ne laisse aucun répit.

La méthode MADAM

Ce qui différencie MADAM de la masse des groupes rock français, c’est cette sincérité brutale. Pas de posture, pas de calcul marketing. “Ce qu’on veut, c’est que les gens sentent ça, et qu’ils voient le plaisir qu’on a à monter sur scène, à ressortir moites de sueur, la bouche pâteuse, avec une seule envie : recommencer”.

Thanks for the Noise documente précisément ce cycle : crier, danser, rire, pleurer, tout donner jusqu’à perdre le souffle, l’équilibre, la raison. Voir le public en faire autant. C’est un album de communion, pas de contemplation.

La montée en puissance

La notoriété du groupe ne cesse de grimper - elles ont fait complet à la Boule Noire, au Rex, à la Maroquinerie et au Metronum, et sont programmées à Rock en Seine et au MaMA 2024. Cette ascension n’a rien changé à leur approche : le processus d’écriture collective en studio, jamais lâché depuis le début, reste leur méthode.

Les gens chantent désormais des paroles qu’elles-mêmes oublient parfois. Leur nom grossit sur les programmations. Étrange sensation, disent-elles. Enivrant, surtout. Mais jamais MADAM ne s’éloigne de ce qui fait leur ADN : l’authenticité brute, la rage contrôlée, le bruit célébré comme un acte de vie.

Verdict : Le rock français a trouvé ses héritières

Dans un paysage rock hexagonal souvent frileux ou formaté, MADAM détonne par son absence totale de compromis. Thanks for the Noise n’est pas un album qui cherche à plaire - c’est un album qui existe par nécessité vitale. Chaque titre sonne comme une évidence, une urgence qui ne peut être contenue.

À l’heure où tant de groupes français tentent de singer l’esthétique anglo-saxonne, MADAM propose quelque chose de résolument contemporain et universel : du rock qui respire, qui sue, qui vit. Un album qui fait exactement ce qu’il promet - fêter le retour du bruit après le silence.

Toulouse peut être fière. La France devrait l’être aussi. MADAM n’a besoin de personne pour exister - elles ont juste besoin d’amplificateurs, d’une scène, et de ce public grandissant qui commence enfin à comprendre ce qu’elles ont toujours su : le rock n’est jamais mort, il attendait juste qu’on le joue avec autant de conviction.

Thanks for the Noise : merci pour le bruit, en effet. On en redemande.

Commentaires

comments powered by Disqus