House on Fire
11 titres, 34:49
Il a 19 ans. Trois fois vainqueur du Young Blues Artist of the Year aux UK Blues Awards. Encensé par Jools Holland et Joe Bonamassa. Qualifié par The Times comme “l’un des meilleurs guitaristes de Grande-Bretagne”. Toby Lee n’est pas un prodige ordinaire - c’est un musicien complet dont la maturité artistique dépasse de loin son âge. Avec House on Fire, sorti le 4 octobre 2024, le jeune britannique livre son premier album entièrement composé de matériel original. Trente-quatre minutes, onze titres, une déclaration d’indépendance artistique.
L’héritier légitime
En 2019, à seulement 14 ans, Toby Lee partageait la scène du Royal Albert Hall avec Joe Bonamassa, qui l’a depuis baptisé “future superstar du blues”. Certains le présentent même comme “le futur du blues” tout court. Son premier album Aquarius (2021) a passé deux semaines au sommet du UK Jazz & Blues Album Chart, mais il s’agissait essentiellement de reprises et de standards revisités.
House on Fire change la donne. C’est l’album où Toby Lee s’affirme non plus seulement comme virtuose de la six-cordes, mais comme auteur-compositeur à part entière. Et le pari est réussi.
Une guitare qui parle
Comme on pouvait s’y attendre de quelqu’un salué par la presse britannique pour son talent instrumental, les prouesses guitaristiques éblouissent du début à la fin. Une riche tapisserie de solos brûlants, de mélodies évocatrices et de grooves arrogants traverse l’album. Sur la track titre “House on Fire”, Lee déploie un jeu fulgurant qui rappelle les meilleurs moments de Gary Moore, mêlant vélocité technique et expression émotionnelle.
“Fever” et “Into The Light” révèlent sa capacité à sculpter des atmosphères denses uniquement par le choix des notes et le contrôle du feedback. Pas de démonstration gratuite, chaque solo sert la chanson. C’est là que réside sa force : Toby Lee est un guitar hero de la vieille école, mais il sait quand se taire et laisser la musique respirer.
La révélation vocale
Mais la vraie surprise de House on Fire, ce sont les progrès vocaux stupéfiants de Toby Lee. Sa voix a fait des bonds phénoménaux, sa maturité et son expression émotionnelle lui donnent une présence suffisante pour fronter un groupe indépendamment de ses talents de guitariste. Sur “Just Hold On” et “Count On Me”, il délivre des performances vocales chargées d’une vulnérabilité rare chez un artiste aussi jeune.
“Blame Me” dévoile une tessiture de baryton bluesy, surprenante pour son physique d’adolescent. “Patiently Waiting For Love” lui permet d’explorer des registres plus soul, plus intimes. C’est un chanteur qui a compris que le blues n’est pas qu’une question de technique - c’est une affaire d’âme, de vécu, de sincérité.
Un équilibre stylistique maîtrisé
L’album navigue intelligemment entre différentes facettes du blues moderne. “Preacher” flirte avec le southern rock, " Saviour" verse dans une ballade gospel-tinged, tandis que “No Need To Lie” adopte un groove presque funky. Toby Lee refuse de s’enfermer dans une niche, explorant les multiples branches de l’arbre blues avec assurance.
La production est claire, moderne sans être aseptisée. Chaque instrument respire, la batterie claque avec punch, la basse ronronne avec chaleur. Toby Lee a travaillé avec des professionnels qui ont su capturer l’énergie de ses performances live tout en soignant les détails en studio.
“Safe Ground”, qui clôt l’album, résume parfaitement l’approche de Toby Lee : démarrage contemplatif au clean, montée progressive en intensité, explosion cathartique en crescendo. C’est du blues classique réinventé avec fraîcheur et sincérité.
Les petites limites de la jeunesse
Si House on Fire impressionne, il révèle aussi les quelques limites d’un artiste encore en construction. Certains textes manquent de profondeur, s’appuyant sur des clichés blues éculés. Quand on a 19 ans, difficile d’écrire sur le " hard living" et les “broken hearts” avec la crédibilité d’un vétéran trentenaire.
L’album aurait aussi gagné à prendre plus de risques stylistiques. Toby Lee possède manifestement la technique pour explorer des territoires plus expérimentaux - jazz-fusion, blues psychédélique, voire electroblues. Mais peut-être est-ce précisément sa sagesse que de ne pas tout faire sur un premier album de compositions originales.
La Deluxe Edition : un complément bienvenu
La version Deluxe, sortie en juin 2025, enrichit l’album original de versions unplugged et d’edits radio. Les versions acoustiques de “House on Fire”, “Count On Me”, “Saviour” et “Safe Ground” révèlent la solidité de l’écriture. Dépouillées de leurs arrangements électriques, ces chansons tiennent parfaitement la route. “Iron Sky” (unplugged) apparaît comme un bonus appréciable, offrant une facette plus intimiste du jeu de Toby Lee.
Verdict : Une promesse largement tenue
House on Fire n’est peut-être pas encore l’album d’un maître accompli, mais c’est indéniablement celui d’un talent exceptionnel en pleine éclosion. Toby Lee a prouvé qu’il n’était pas qu’un enfant prodige dont on parlerait au passé dans dix ans - c’est un artiste complet, capable d’écrire, de jouer et de chanter au plus haut niveau.
Le blues britannique cherche depuis des années son nouveau héros après Gary Moore et Eric Clapton. Avec House on Fire, Toby Lee pose sa candidature avec une assurance confondante. À 19 ans, il a déjà accompli plus que la plupart des musiciens en une vie. Le plus impressionnant ? On sent qu’il n’en est qu’au début.
Joe Bonamassa avait raison : c’est une future superstar. Mais après House on Fire, on peut retirer le “future” de l’équation. Toby Lee est déjà là, et il brûle de tous ses feux.