Chinese Man

Genèse et formation

Les origines (2004)

Chinese Man naît en 2004 entre Aix-en-Provence et Marseille, fruit de la rencontre de trois producteurs visionnaires unis par une même obsession : repousser les limites du hip-hop instrumental. Zé Mateo, High Ku et SLY fondent alors le label indépendant Chinese Man Records, manifeste d’indépendance artistique et laboratoire d’expérimentation sonore. La référence au “Mont Wu Tang” dans leur mythologie fondatrice n’est pas anodine – elle témoigne d’une filiation spirituelle avec le Wu-Tang Clan, ces autres révolutionnaires du hip-hop qui ont fait de l’indépendance créative leur credo.

Le noyau créatif

Le collectif s’articule autour de DJ Marseille Zé Mateo, High Ku et du beatmaker SLY. Leo le Bug et Le Yan gravitent également autour du groupe, participant régulièrement à la composition. Cette structure fluide, proche du collectif jazz, permet une créativité débridée où chaque membre apporte sa sensibilité unique.

L’écosystème live

Sur scène, le groupe s’enrichit fréquemment de Taiwan MC, Youthstar et ASM (duo composé de Green T et FP), transformant chaque performance en une expérience collective unique. Cette approche modulaire du live reflète la philosophie même du groupe : le groove comme langue universelle, le métissage comme principe créateur.

ADN musical : le syncrétisme radical

Les fondations trip-hop

Chinese Man s’inscrit dans la tradition du trip hop français tout en étant influencé par le hip-hop, le funk, le dub, le reggae et le jazz. Leur son s’enracine dans l’héritage des pionniers britanniques (Massive Attack, Portishead) et américains (DJ Shadow), mais le transcende par une approche méditerranéenne unique – plus solaire, plus organique, plus festive.

L’école de Bristol revisitée

Le trip-hop atteint son apogée entre 1994 et 1995 avec des labels comme Ninja Tune et des artistes comme DJ Food, The Herbaliser. Chinese Man arrive une décennie plus tard, héritant de cette tradition tout en la réinventant. Là où Bristol proposait une mélancolie urbaine et pluvieuse, Marseille apporte la chaleur méditerranéenne et une énergie communicative.

L’innovation permanente

Le groupe cherche constamment à créer un nouveau style de trip-hop influencé par tous les nouveaux genres musicaux entendus en soirée, incorporant drum and bass, dubstep et même des éléments de trap. Cette perméabilité aux tendances contemporaines, loin d’être opportuniste, témoigne d’une volonté de maintenir le trip-hop vivant et pertinent.

Discographie : L’évolution d’un son

Les albums studios majeurs

Racing With the Sun (2011) Premier album studio majeur du groupe, Racing With the Sun établit leur signature sonore : beats massifs, samples cinématographiques, collaborations internationales. L’album inclut le mythique “I’ve Got That Tune”, devenu hymne générationnel et bande-son publicitaire de choix.

Shikantaza (2017) Sorti en 2017, Shikantaza (terme zen signifiant “simplement s’asseoir”) marque une maturité artistique. L’album inclut des collaborations prestigieuses avec Kendra Morris, R.A. The Rugged Man, Taiwan MC et A-F-R-O. Tracks comme “Liar”, " Modern Slave" et “The New Crown” confirment leur capacité à fusionner conscience politique et innovation sonore.

We’ve Been Here Before (2024) Après six ans de silence, le retour avec un album-somme qui synthétise vingt ans d’exploration musicale. Un kaléidoscope sonore où cumbia colombienne, orchestrations symphoniques et hip-hop polyglotte coexistent dans une harmonie organique.

Les projets parallèles

Outre leurs albums studios, le groupe multiplie les projets collectifs : EPs, remixes, albums live, et la série The Groove Sessions. Ces dernières, véritables laboratoires collaboratifs, voient Chinese Man s’associer à d’autres collectifs comme Scratch Bandits Crew et Baja Frequencia.

Influences et héritage

Les pères spirituels

L’ADN de Chinese Man porte les empreintes de :

  • DJ Shadow : Influencé par Kurtis Mantronik, Steinski et Prince Paul, DJ Shadow privilégie un son basé sur les samples avec peu de voix – approche que Chinese Man adapte à sa sauce méditerranéenne
  • Ninja Tune : Le label londonien comme modèle d’indépendance créative
  • Wu-Tang Clan : Pour l’esprit de clan, l’indépendance farouche et le kung-fu cinématographique
L’école française

Chinese Man s’inscrit dans une tradition française du hip-hop instrumental sophistiqué, aux côtés de :

  • DJ Cam et son jazz-hop parisien
  • Wax Tailor et ses collages narratifs
  • C2C et leur turntablism virtuose
La spécificité méditerranéenne

Ce qui distingue Chinese Man, c’est l’injection d’une sensibilité méditerranéenne dans le trip-hop :

  • Chaleur des rythmiques vs. froideur britannique
  • Samples world music (cumbia, flamenco, musiques orientales)
  • Approche festive et communautaire du live
  • Multilinguisme naturel (français, anglais, espagnol, créole)

Chinese Man Records : l’indépendance comme philosophie

Le Label-Manifeste

Chinese Man Records, fondé simultanément au groupe, rassemble producteurs, beatmakers, DJs, graphistes et vidéastes. Plus qu’un label, c’est une école de pensée “groovalistik” qui prône :

  • L’indépendance créative totale
  • Le décloisonnement des genres
  • La collaboration internationale
  • Le visual comme extension du sonore
L’écosystème créatif

Le label devient rapidement un incubateur de talents, permettant l’émergence d’artistes partageant cette vision syncrétique du hip-hop. Cette structure favorise les collaborations croisées, créant une émulation créative permanente.

Style musical : l’art de la fusion

La science du sample

Chinese Man maîtrise l’art du digging (recherche de samples) avec une approche encyclopédique :

  • Archives radiophoniques : Discours historiques, commentaires d’époque
  • Cinéma mondial : Bandes originales de films obscurs, dialogues cultes
  • World music : Folklores réinterprétés, instruments traditionnels détournés
  • Jazz & soul : Breaks funky, cuivres vintage, voix soul oubliées
L’architecture sonore

Leur construction musicale suit des principes précis :

  1. Beats massifs : Basses profondes héritées du dub, kicks hip-hop percutants
  2. Layering complexe : Superposition de textures créant une profondeur cinématographique
  3. Dynamique narrative : Morceaux conçus comme des mini-films sonores
  4. Contraste émotionnel : Alternance tension/relâchement, mélancolie/euphorie
Le live comme rituel

Sur scène, Chinese Man transcende le simple DJ set :

  • Performance collective : Jusqu’à 10 musiciens sur scène
  • Improvisation contrôlée : Réarrangements live, versions étendues
  • Interaction public : Le groove comme communion collective
  • Scénographie immersive : Projections visuelles synchronisées, light design sophistiqué

Impact et rayonnement

L’international

Chinese Man a su s’imposer mondialement sans renier ses racines :

  • Tournées sur les 5 continents
  • Festivals majeurs (Glastonbury, Fuji Rock, Coachella)
  • Collaborations transcontinentales
  • Influence sur la nouvelle génération de producteurs trip-hop
L’Héritage

Le groupe a redéfini les codes du trip-hop pour le XXIe siècle :

  • Preuve qu’on peut être expérimental ET accessible
  • Modèle d’indépendance artistique réussie
  • Bridge entre cultures musicales mondiales
  • Inspiration pour le renouveau du hip-hop instrumental français

Conclusion : les alchimistes du groove

Chinese Man incarne cette rare alchimie entre exigence artistique et générosité communicative. Vingt ans après leur formation, ils demeurent des explorateurs infatigables, transformant chaque album en voyage initiatique, chaque concert en cérémonie collective.

Leur force ? Avoir compris que le trip-hop n’était pas un genre figé mais un territoire d’expérimentation infini. Leur génie ? Avoir créé un son immédiatement identifiable tout en refusant de s’y enfermer. Chinese Man n’est pas qu’un groupe – c’est une philosophie musicale où le groove transcende les frontières, où le sample devient poésie, où Marseille dialogue avec le monde entier.

Dans un paysage musical de plus en plus fragmenté, Chinese Man prouve qu’on peut être local et universel, underground et populaire, nostalgique et futuriste. Ils sont les gardiens d’une certaine idée du hip-hop : celle où la musique reste un art de la transformation, du détournement créatif, de la communion collective. Une leçon de groove et d’humanité.

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Critiques d'albums

Chinese Man - We've Been Here Before

Six ans de silence. Six ans pour que les Aixois de Chinese Man digèrent leur propre légende, celle qui depuis 2004 les a érigés en parrains du trip-hop hexagonal. We’ve Been Here Before n’est pas un retour – c’est une révolution circulaire, un ouroboros musical où la fin rejoint le commencement avec une maîtrise confondante. Architecture sonore : le grand écart maîtrisé L’album s’ouvre sur Salune, collision sidérale entre orchestre symphonique et beats hip-hop massifs, sublimée par la voix de René Barjavel commentant Apollo 8. Coup de génie : transformer un document d’archive en manifeste poétique sur notre rapport au cosmos. Cette audace programmatique annonce la couleur – Chinese Man refuse la facilité du revival nostalgique pour embrasser une complexité kaléidoscopique. Le titre éponyme déploie une guitare flamenca lancinante, territoire inexploré où Miscellaneous et Stogie T tissent une réflexion acide sur la routine moderne. L’alliance …

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