Atrack'Son 2025 - Jour 1 - Follo, The Harbingerz, Lou Beurier, Mad in Ska, Cotton Blood, Marcel et son Orchestre, Greasy Lumberjacks, Autothune

Follo The Harbingerz Lou Beurier Mad in Ska Cotton Blood Marcel Et Son Orchestre Greasy Lumberjacks AutoThune Atrack'Son

Orchamps-Vennes, France,

Cette première journée de l’Atrack’Son Festival dessine une cartographie ambitieuse des musiques actuelles : de l’électro planante au burlesque engagé, du reggae dub au blues rock écorché, en passant par le rock français et le ska militant. Cette programmation éclectique interroge les mutations de la scène festivalière régionale : comment faire cohabiter des univers aussi divergents ? Quelle place pour l’engagement politique dans un contexte de divertissement ? Entre montée en puissance progressive et longueurs assumées, entre intimité des débuts d’après-midi et communion finale, cette journée d’ouverture promet de révéler toutes les tensions esthétiques qui traversent un festival qui refuse le formatage commercial. L’exercice est audacieux : transformer la diversité en cohérence narrative, du plus confidentiel au plus spectaculaire.

Follo : l’ouverture électronique planante

© Photos / Marwan Khelif

Le DJ ouvre cette première journée avec un live set électro house qui oscille entre planant et bass house, créant ces " rythmes envoûtants et dansants" nécessaires pour réveiller un public encore clairsemé. Cette configuration en début d’après-midi, face à une foule restreinte, illustre parfaitement les défis de la journée festivalière : comment créer l’énergie quand le public est encore en phase d’arrivée ? Le DJ s’acquitte honorablement de cette tâche ingrate, posant les bases rythmiques d’une journée qui s’annonce éclectique. Son approche de l’électro house, teintée de bass house, révèle une maîtrise des codes actuels du genre sans pour autant révolutionner le format. Ce set d’ouverture “vraiment cool” remplit parfaitement sa fonction : préparer le terrain pour les formations live qui suivront.

The Harbingerz : la résilience reggae-dub

© Photos / Marwan Khelif

Formation atypique avec batterie, deux basses, clavier et lyrics, The Harbingerz confirment que le reggae-dub peut transcender les configurations traditionnelles. Leur présence sur scène “malgré blessure au genou” témoigne d’une détermination qui se reflète dans leur performance “vraiment entraînante”. Cette capacité à “mettre l’ambiance avec le monde qui arrive” révèle des musiciens qui comprennent parfaitement leur rôle dans l’économie de la journée festivalière : transformer l’arrivée progressive du public en montée collective d’énergie. Le choix de deux basses plutôt qu’une configuration guitare-basse traditionnelle crée une assise harmonique particulièrement dense, caractéristique du dub moderne qui privilégie les fréquences basses. Leur performance démontre que la résilience physique et artistique peuvent devenir force scénique.

Lou Beurier : l’énergie brute contre la finesse

© Photos / Marwan Khelif

Accompagnée de Charline et Adam aux guitares, Jules à la batterie, Lou Beurier à la basse présente les chansons de son premier album “L’heure idéale” (sortie prévue le 13 novembre) aux côtés de reprises stratégiques : “Starlight” de Muse, “Take Me Out” de Franz Ferdinand, “Call Me” de Blondie. Ce choix de reprises révèle une ambition claire : s’inscrire dans une filiation rock internationale assumée. Sa “belle amplitude de voix” confirme des qualités vocales indéniables, mais l’ensemble souffre d’un “manque de finesse” et d’une approche “un peu trop forcée” qui trahit une urgence de convaincre. Sa présence scénique compense partiellement ces défauts techniques : elle “embarque le public avec elle” avec une énergie communicative qui transforme les imperfections en authenticité brute. L’essoufflement audible en fin de concert révèle une artiste qui se donne sans compter, privilégiant l’intensité sur l’endurance maîtrisée. Cette approche frontale du rock français, si elle manque encore de sophistication, témoigne d’une artiste en construction qui privilégie la sincérité sur le vernis technique.

Mad in Ska : la fraternité militante jurassienne

© Photos / Marwan Khelif

Formation pléthorique avec deux trompettes, saxophone, trombone, guitare, basse, chanteur, clavier et batterie : Mad in Ska incarne parfaitement le “ska made in Jura” avec cette impression d’être “avec une bande de potes”. Leurs musiciens " super dynamiques" contrastent avec le “flow nonchalant” du chanteur, créant cette tension esthétique caractéristique du ska : urgence musicale sur décontraction vocale. Leurs “paroles engagées sur des sujets qui leur tiennent à cœur ( corrida, politiques)” révèlent un groupe qui refuse de séparer divertissement et conscience politique. Le featuring avec Pulpul de Ska-P sur “Hijos de la Revolución” confirme leur inscription dans la tradition militante du ska européen, celle qui considère que la fête peut être vecteur de messages contestataires. Cette formation généreuse transforme le concert en célébration collective où l’engagement politique ne tue jamais la joie de jouer.

Cotton Blood : le blues rock écorché

© Photos / Marwan Khelif

Le trio débarque avec un “blues rock assez énervé” porté par une “voix vraiment blues, écorchée” et “une basse bien appuyée”. Cette approche brutale du blues, loin des sophistications habituelles du genre, révèle des musiciens qui privilégient l’intensité émotionnelle sur la technique virtuose. Cette voix écorchée témoigne d’une authenticité rare à une époque où l’auto-tune lisse toutes les aspérités vocales. La basse particulièrement présente crée une assise rythmique massive qui ancre solidement les envolées blues-rock. Cotton Blood rappelle ainsi que le blues reste avant tout une musique de viscères, affaire d’intensité plutôt que de sophistication académique.

Marcel et son Orchestre : le burlesque engagé jusqu’à l’excès

© Photos / Marwan Khelif

Formation complète avec trompette, saxophone, clavier, batterie, basse, guitare et vocals : Marcel et son Orchestre clôture cette première journée avec un spectacle burlesque aux “rythmes hyper dansants”. Leur approche du grotesque cache des “textes qui traitent de sujets d’actualités”, révélant une stratégie artistique qui utilise le rire comme cheval de Troie pour messages politiques. Le moment où le “public monte sur scène” transforme le concert en happening collectif, effaçant la frontière sacrée entre artistes et spectateurs. Cependant, leur set d’une heure quarante-cinq révèle les limites de l’exercice : le burlesque, même intelligent, fatigue quand il s’étire excessivement. Cette longueur excessive témoigne d’une difficulté à calibrer la durée idéale d’un spectacle qui vit d’intensité plutôt que d' endurance. Marcel et son Orchestre prouvent néanmoins que l’engagement politique peut emprunter mille formes, y compris les plus grotesques, pourvu qu’elles servent une vision cohérente.

Conclusion : l’éclectisme comme identité festivalière

Avec la fatigue, je pars avant la fin des concerts. Cette première journée de l’Atrack’Son révèle toute l’ambition d’un festival qui refuse le formatage esthétique au profit de la diversité musicale. De l’électro planante au burlesque engagé, cette programmation démontre que l’éclectisme peut devenir identité quand il sert une vision cohérente : célébrer toutes les formes d’expression musicale sans hiérarchie de genre. Les imperfections individuelles - manque de finesse ici, longueur excessive là - s’effacent devant la générosité collective d’une journée qui privilégie l’authenticité sur le vernis professionnel. L’Atrack’Son se confirme ainsi comme un festival qui assume pleinement son ancrage régional tout en embrassant une diversité musicale internationale, prouvant que l’excellence festivalière peut naître loin des métropoles, pourvu qu’elle soit portée par une exigence artistique sincère.

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